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Grand Théâtre de Genève : quelque chose en lui de combier

Après trois ans de travaux, et une mutation éphémère à l’Opéra des Nations, le Grand Théâtre de Genève a retrouvé ses murs à la Place Neuve. Rénové, restauré, sécurisé, conservé, réorganisé, agrandi et optimisé, il est l’objet de tous les superlatifs. Cependant une dénomination officieuse fut acquise au gré de ses améliorations, celle de combier.

La construction du Grand Théâtre de Genève, dessiné par Jacques-Elisée Goss, s’est achevée en 1879. En 1951, lors d’une répétition de « La Walkyrie » de Wagner et d’un essai d’effet pyrotechnique, une partie du théâtre prend malheureusement feu. La cage de scène, la salle et les coulisses furent détruites par les flammes. Il aura fallu onze ans de restauration pour que le bâtiment rouvre ses portes au public en 1962.

Plus d’un demi-siècle plus tard, l’usure des équipements, deux accidents de personnes et l’augmentation des effectifs font que des rénovations sont non seulement justifiées, mais nécessaires. La nouvelle vague de travaux, débutée en février 2016, poursuivait un triple objectif : patrimonial, fonctionnel et sécuritaire. Toute l’équipe du théâtre a fait ses valises et pris ses quartiers dans l’Opéra des Nations, ex-Théâtre Éphémère de la Comédie-Française, à deux pas de l’ONU. Tous les artisans, y compris le team Bodenmann, investissaient alors la bâtisse.

 

Au-delà du cahier des charges

En 2016, une soumission publique paraît. Y répondre était une évidence – Bodenmann est le spécialiste des objets singuliers qui font exception et défient les codes. Rares sont les institutions pouvant subvenir à l’ensemble des besoins demandés. Tous les ouvrages de menuiserie et d’agencement hors normes (de conceptions et de formes particulières) leur sont ainsi confiés. Si la chronique paraît manifeste, la réalité s’est avérée plus complexe. Avant même de sortir crayons et mètres, le team Bodenmann a dû rivaliser d’ingéniosité pour préserver les idées des architectes, tout en diminuant les coûts des travaux et en optimisant le temps de travail. Un impératif qui correspond parfaitement à la philosophie de la maison du
Brassus et à son savoir-faire. En faisant preuve d’imagination et de maîtrise, quitte à créer des techniques inédites indépendamment de leur corps de métier.

Certains problèmes furent résolus tout en garantissant une réalisation 100% combière. Le cahier des charges éclectique s’est notamment concrétisé grâce à l’atelier de serrurerie mécanique qui habite le sous-sol du Campe 10. Un joker qui vient renforcer et démontrer que Bodenmann est le partenaire de choix – le partenaire chez qui l’exceptionnel est toujours la règle.

 

Coordinateurs de métiers

Bodenmann a donc assumé les travaux de rénovation du mobilier et de l’habillage intérieur. Pans de murs complets, bars, billetterie, tables de maquillage, vitrages, boiserie, rafraîchissements des palissandres, éléments cintrés et plaqués de laiton, vestiaires, portes, mains courantes : la liste était pour le moins contrastée. Tout comme celle des matériaux à dompter : bois, plexiglas, verre ou laiton. Chaque membre de l’équipe a ainsi dû faire preuve d’une excellente technicité pour marier les propriétés et les exigences de chaque corps. À cela il fallait ajouter la coordination avec les autres métiers. Les sanitaires, les tuyauteurs, les électroacousticiens, les responsables de la ventilation, les électriciens ou encore les peintres, pour ne citer qu’eux, intervenaient souvent selon l’avancement des opérations de boiserie.

 

Mesurer l’impondérable

Après un an d’un travail titanesque qui a mobilisé parfois jusqu’à vingt poseurs sur site et jusqu’à 15 personnes en production, la date d’inauguration était enfin annoncée : le 12 février 2019. Chez Bodenmann, il n’est pas un employé qui, de près ou de loin, n’ait pas participé au projet ; c’est dire l’importance du chantier ! À la mention de l’Opéra de la Cité, ce sont toujours les mêmes réalisations — prodigieuses — qui sont évoquées : le bar de 22 mètres et la billetterie de 5,5 mètres de diamètre. Il est cependant un dernier élément qui n’était, lui, pas dans le cahier des charges, mais qui cumule volontiers les anecdotes des ouvriers : le volume du bâtiment. Ou comment mesurer l’impondérable. Rapidement, l’équipe s’est rendu compte qu’il fallait prévoir les déplacements – et les déménageurs qui allaient souvent de pair. Parfois, deux groupes pouvaient ne pas se croiser des jours durant. Contourner le théâtre, éviter les échafaudages, tailler sa route dans les dédales de couloirs, atteindre les vertigineuses hauteurs sous plafond et emprunter les chemins difficiles d’accès sont devenus des éléments stratégiques dans l’organisation de ce chantier un peu hors norme.

 

Dans leur ADN

Si certains parlent d’un chantier extraordinaire, pour Bodenmann, ce serait presque habituel. En effet, la maison combière a fait de l’exceptionnel sa marque de fabrique. À la Place Neuve, certaines de leurs créations seront évidentes et saluées, d’autres réfections passeront plus inaperçues et ne s’appréhenderont vraiment que dans leur ensemble. Peu importe, pour l’équipe, il est avant tout question de rendre au Grand Théâtre de Genève toute son âme. Et c’est désormais chose faite.

 

L’esprit des lieux

Depuis le 12 février 2019, le théâtre a rouvert ses portes au grand public. Clin d’œil ou hasard des choses, c’est sur une pièce de Wagner, « Der Ring des Nibelungen », que l’Opéra reprend ses fonctions. Les aficionados admireront les décors redécouverts, les fresques remises à neuf, les couleurs ravivées, les parquets restaurés et les plafonds désormais visibles. Mais aussi la billetterie flambante neuve et le bar en forme de comptoirs circulaires — signés Bodenmann — ainsi que des nouveaux luminaires. Il est maintenant également possible de se rendre au sous-sol, où, un bar public accueille les spectateurs et où s’ensuivent bureaux, salles de maquillage, salles de costume et de répétition. Dans ce chantier, comme souvent, tout est question d’esprit des lieux — conservé — et non de mise en exergue de réalisations isolées. L’équipe de Bodenmann l’a bien compris, mais ne cache pas sa fierté d’avoir contribué à ces rénovations. D’avoir participé à écrire une nouvelle page de l’histoire du théâtre. Et de lui avoir insufflé ce quelque chose de combier.

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