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L’ébène, une histoire de cœur

Pour parler de l’ébène, il faut parfois prendre des chemins de traverse. Retour sur l’itinéraire d’un bois millénaire, de l’Egypte à l’Académie française, qui a transmis son nom à la profession parente et dont le cœur et le génie font toute la singularité. Un bois auquel, chez Bodenmann, de l’herbier aux établis, l’équipe redonne plus que jamais ses lettres de noblesse.

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Le citronnier de Ceylan

Le Chloroxylon Swietenia ou le citronnier de Ceylan est également appelé Satinwood (bois de satin). Sa couleur jaune caractéristique en fait un bois très recherché par les ébénistes pour l’aménagement d’intérieurs, notamment en mobilier, marqueterie, coutellerie et ébénisterie fine.

Ceylan

Quand on évoque Ceylan, on pense inévitablement au thé, véritable trésor national
qui fait rayonner l’île dans le monde entier. L’ancien nom du Sri Lanka est une invitation au voyage, à la découverte ; celle d’une île aux parfums divers et aux couleurs éclatantes. L’Inde, sa grande sœur continentale, n’est qu’à une petite trentaine de kilomètres, séparée par le détroit de Palk.

Un bois authentique

Véritable Mecque pour les amateurs de thé, Ceylan reste aussi pour les ébénistes du monde entier une île unique grâce à son bois dit « le citronnier de Ceylan ». Ce bois jaune demeure le plus universellement apprécié des artisans à partir du XVIIIe siècle parmi tous les bois exotiques. Pendant plusieurs siècles, on boude le citronnier de Ceylan. C’est sous la Restauration qu’il fait son grand retour : il illumine les surfaces sombres en acajou, palissandre ou ébène des meubles signés. Au cours du XXe siècle, ce sont les ébénistes anglais qui lui donnent ses lettres de noblesse.

Une richesse à préserver

Quand on observe son aspect, on est immédiatement saisi par son éclat jaune moiré et rayonné. Ce bois dur avec son fil enchevêtré nous saisit par la finesse de son grain. C’est parce que son séchage est très lent qu’on le scie difficilement. Son usinage est fastidieux du fait de son double contre-fil et des nombreuses déviations de grain. Quand on le coupe, une brillance satinée se dégage de son grain intense, vertical et uni. Les zones d’accroissement clairement distinctes donnent une apparence rubanée irrégulière, très prisée par les professionnels.

Pour conclure, c’est un bois exotique précieux, relativement cher, dont l’exploitation est très réglementée. L’arbre Chloroxylon Swietenia mesure une vingtaine de mètres, on le trouve évidemment au Sri Lanka, mais aussi au centre et au sud de l’Inde. La menuiserie Bodenmann a eu la chance de refaire entièrement la réception et les boiseries d’une grande entreprise milanaise en Citronnier de Ceylan : quelques planches sèchent encore dans nos boxes et sont à la disposition de vos projets.

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L’acajou de Cuba

Swietenia mahagoni, l’acajou d’Amérique, acajou des Antilles ou acajou de Cuba, est un arbre de la famille des Meliaceae. On le retrouve dans les Antilles, à Cuba, en Jamaïque, à Saint-Domingue, en Afrique ainsi qu’en Floride. Cet arbre a été lourdement exploité aux XVIIIe et XIXe siècles pour l’exploitation de son bois (particulièrement en Angleterre et en Europe) pour la réalisation de meubles de qualité. Il est aujourd’hui en voie de disparition et est un des bois les plus chers au monde.  

Le «cuban mahogany» possède un grain fin et régulier, avec des pores ouverts, de dureté moyenne et de teinte homogène variant du rose au rouge foncé, parfois rubané lorsqu’il est coupé sur quartier ; il est utilisé depuis l’antiquité en ébénisterie, depuis fort longtemps en mar- queterie et depuis la fin du XVIIIe siècle en placages ; la lutherie des guitares modernes fait aussi appel à l’acajou pour les manches et les corps. Outre l’ébénisterie, l’acajou antillais est également recherché pour ses propriétés médicinales et soi-disant aphrodisiaques.

Depuis 1992, l’acajou de Cuba est classé en annexe II du CITES (Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction), ce qui signifie qu’un certificat est nécessaire aussi bien à l’exportation qu’à l’importation. Il a été surexploité aux XVIIIe et XIXe siècles, est aujourd’hui en voie de disparition et est protégé par la convention de Washington (son exploitation et son commerce sont très réglementés). Son prix oscille entre 30 000 et 50 000 euros le mètre cube.

L’acajou de Cuba est très utilisé en Angleterre et en France aux XVIIIe et XIXe siècles pour la réalisation des meubles précieux. En massif il a servi à la fabrication des meubles dits « de port » et très utilisé à la fin du style Louis XVI et sous l’Empire. Il est la figure de proue du meuble portuaire, il est apparu selon G.Leclerc, vers 1520 en Espagne, acheminé comme lest sous forme de planches et de blocs à bord des caravelles, et introduit vers 1595 en Angleterre où il servait à la construction des bateaux car il est imputrescible, résiste absolument aux xylophages et possède un grain serré. On le trouve par exemple à bord du Belém, voilier classé monument historique, avec son salon vitré décoré en acajou de Cuba. C’est l’époque où toute la zone Caraïbe est le territoire des pirates et des corsaires. Selon l’historien Christian Lerat, c’est à partir de 1796 que Santiago de Cuba va devenir une base corsaire, où vont s’installer des armateurs et marins français de Saint-Domingue. Le commerce de ce bois est en plein essor. En 1798 les corsaires se livrèrent de plus en plus souvent à la piraterie et échappèrent au contrôle des autorités. Plus tard, dans les années 1800, les corsaires français deviennent des pirates et s’installent dans l’est de l’île, peu peuplée, difficile à contrôler, et juste en face de Saint-Domingue, d’où ils peuvent intercepter les navires anglais et américains, notamment leurs précieuses cargaisons d’Acajou (entre autres) en partance pour le vieux continent.

Carmen Mora